Edito
saison 2015-2016
En 2006, à Gaillon, nous répétions Arlequin poli par l’amour de Marivaux. Notre objectif était de monter cette pièce en entier, tout seuls, comme des grands, et de la jouer 3 soirs.
Nous étions loin d’imaginer que ce spectacle se jouerait de façon continue pendant 10 ans, qu’il se jouerait de Saint-Valéry-en-Caux à Beyrouth en passant par Rennes, Budapest, Perpignan, Fort-de-France…
Nous étions loin d’imaginer les aventures heureuses de Toâ de Sacha Guitry, de Piscine (pas d’eau) de Mark Ravenhill qui nous ont fait grandir et explorer les registres.
Nous étions loin d’imaginer qu’en 4 années nous échafauderions Henry VI de Shakespeare, comme notre manifeste d’un théâtre populaire et exigeant, sérieux et festif, sur scène et tout autour. Nous étions loin d’imaginer que le public s’enthousiasmerait pour ces 18 heures d’aventure, qu’il démontrerait par là la force et le pouvoir de l’être ensemble que le théâtre défend depuis 2500 ans et dont nous avons toujours grandement et urgemment besoin.
Nous étions loin d’imaginer qu’il verrait le jour au festival d’Avignon et que nous aurions l’audace de conclure la tétralogie shakespearienne en créant Richard III.
Nous étions loin d’imaginer les centaines d’heures annuelles de rencontres, d’ateliers, les kilomètres parcourus pour amener le théâtre loin des villes, nous n’imaginions pas que nous jouerions conjointement Henry VI à l’Odéon à Paris (75) et son petit frère H6m2 à l’Odéon à Auchel (62).
Nous ne pouvions imaginer tous les 5 que nous serions 58 dix années plus tard. Nous avons inscrit ici les noms de toutes celles et ceux qui artistiquement, techniquement et administrativement portent le projet de La Piccola pour bien rappeler que derrière chacun de nos spectacles, chacune de nos actions culturelles, il y a le travail de tous ces hommes et toutes ces femmes.
Nous étions loin d’imaginer que les êtres chers qui nous regardaient grandir pouvaient partir. Cette 10ème saison est dédiée à Marie-Hélène Porrone et Jean-Pierre Lacoste qui tous deux ont présidé la compagnie. Alors nous pourrions imaginer aujourd’hui ce qui pourrait advenir pour les 10 prochaines années, mais nous n’en ferions rien car ce que le théâtre peut construire avec le présent dépasse l’imagination. Nous le savons maintenant. Et c’est heureux.